“Les animaux de ce pays”, attention, roman bestial
Dans cet opus aussi percutant que dérangeant, Laura Jean McKay met en scène une grand-mère du genre indigne qui part sur les traces de sa petite fille kidnappée par son père alors que l’Australie est aux prises avec une pandémie qui permet aux humains de comprendre les animaux.
Par Bénédicte Flye Sainte Marie
Toute ressemblance avec des faits existants ou ayant existé n’est peut-être pas une pure coïncidence. Dans un monde et une époque qui ressemblent aux nôtres, Joan, sexagénaire qui abuse de tout, notamment de l’alcool et du sexe, vivote en travaillant comme guide dans le zoo tenu par Angela, son ex-belle fille et la mère de la petite Kimberly, seule personne sur terre avec qui elle semble avoir de vrais atomes crochus.
Ce quotidien va être un jour bousculé par une drôle de maladie, une zoogrippe, qui s’abat sur le pays. Si ceux qui en sont atteints ne présentent que des légers symptômes, à savoir des yeux rouges, ils acquièrent aussi, une fois contaminés, la capacité de comprendre le langage des animaux. Ce qui n’est pas une bénédiction puisque les intéressés deviennent quasi-fous à force d’entendre le concert cacophonique des voix des différents représentants de la faune.
Alors que cette pandémie ne cesse d’essaimer, Lee, le fils de Joan, une sorte de hippie aussi beau que décérébré, revient au zoo après des années d’absence et embarque Kimberly sans rien demander à personne afin de l’emmener écouter le chant des baleines.
Joan part alors à sa poursuite, avec pour seule compagnie Sue, une femelle dingo qu’elle a récemment sauvée d’un mauvais pas et qui l’a remerciée en lui mordant profondément la main. C’est le début du road-trip qui vacille entre l’absurde, le comique et la tragédie...
Très cru et insolite, ce voyage littéraire que nous propose Laura Jean McKay est un vrai uppercut. D’abord parce que son personnage principal, Joan, excessive, grossière, presque nihiliste à force de ne plus croire ni en rien ni en personne, n’obéit absolument pas à l’habituel cahier des charges des héroïnes. On aime la détester, à moins qu’on déteste l’aimer.
L’autre virtuosité du livre, c’est de n’avoir cédé à aucun des écueils dans lesquels se complaisent souvent les écrivains qui font parler les animaux, notamment l’anthropomorphisme.
Ici, le langage des animaux n’a rien d’humain et de civilisé ; il est primal, instinctif et brutal, jusqu’à former une sorte de mélopée poétique à part entière.
L’autrice n’a pas cédé non plus à la tentation d’en faire des protagonistes entièrement sympathiques, dans l’esprit 30 millions d’amis : comme dans la nature, les uns et les autres sont essentiellement guidés par la satisfaction de leurs besoins essentiels, comme de se mettre quelque chose sous les crocs et peuvent être solidaires mais aussi ultra-violents.
Pour un premier roman, c’est donc un coup de maitre et il n’est donc pas étonnant que ce livre ait collectionné les prix littéraires en Australie.
Les animaux de ce pays, de Laura Jean McKay, 23,90 euros, Éditions Dalva