OLNI, petite maison, idées larges

Il y a une vie à côté des mastodontes de l’édition ! Si elle publie très peu de titres, s’autodiffuse et s’autodistribue, cette structure n’est pas autant une solution de repli pour les auteurs en panne de reconnaissance. Explications avec Ariane Frontezak, qui l’a cofondée mars 2023 avec Valérie Collado.

Idée reçue n° 1 : une petite maison indépendante peine à se faire remarquer.

Invisibles, les petites maisons d’édition ? Si une dizaine de gros éditeurs se dispute l’espace médiatique et les récompenses décernés dans ce domaine, OLNI ne se contente pas d’y faire de la figuration. Elle remporté trois prix littéraires du roman gay, grâce à Silvin Lupati, et son Quatuor ; Gabriel Kevlec et Lui(t) à la folie et Frédéric Détrat pour Demain, ton visage. Avec Les incroyables aventures d'une balayeuse qui a trouvé un dictaphone, de Jérome Idelon, elle s’est aussi hissée parmi les finalistes du prix du salon du livre de Belfort.

Idée reçue n° 2 : on ne peut pas s’y permettre une ligne éditoriale ambitieuse.

On pourrait penser que pour assurer sa survie, une petite maison indépendante est tentée de choisir des clones de best-sellers. Mais OLNI fait tout le contraire. Sa ligne de fiction n’exclut ni le théâtre ni la poésie, genres souvent délaissés pour des raisons économiques. Ariane Frontezak se laisse guider par la qualité d’écriture et par l’histoire. Ce qu’elle aime : l’humour, une touche d’érotisme, des sujets LGBT... à moins qu’elle ne se laisse surprendre, du moment que le texte est inspiré.

Idée reçue n° 3 : sans diffuseur ni distributeur, elle n’existe pas.

Diffuseurs et distributeurs sont des acteurs de la chaîne du livre peu connus du public, mais fondamentaux : les premiers défendent les titres auprès des libraires; les seconds les acheminent. Sans eux, OLNI trouve néanmoins sa place en libraire, grâce l’adhésion de la maison à l’EDIF, qui lui permet de bénéficier d’un réseau de librairies-partenaires et d’un accès à des salons, comme Lisons libres. Par l’intermédiaire de l’association La Fontaine Ô Livres, la maison a même participé au Festival du livre de Paris en 2025.

Idée reçue n° 4 : elle ne peut pas être économiquement viable.

C’est un équilibre fragile. Mais ce qui régit OLNI n’est pas sa « rentabilité », mais sa « santé », grâce à des choix tranchés : des tirages maîtrisés de cent exemplaires, renouvelés dès que nécessaire, des ventes directes via le site (ce qui induit des droits d’auteur plus élevés), une gestion associative, sans de dividendes à verser. Les impressions sont réalisées en Bretagne, dans le souci de minimiser l’empreinte écologique. Ariane Frontezak et Valérie Collado ne vivent pas de leur activité par choix : leur autonomie financière garantit leur liberté éditoriale.

Idée reçue n° 5 : dans les petites maisons, les auteurs ne sont pas mieux traités qu’ailleurs.

Dans À pied d'œuvre, Franck Courtès expliquait en 2024 n’« socialement rien de précis », puisqu’il doit exercer toutes sortes de petits boulots pour financer son métier d’écrivain. Pourtant, cet auteur n’est pas dans une petite maison indépendante, mais... chez Gallimard. Chez OLNI, les auteurs sont comme Franck Courtès : aucun ne peut vivre de son activité d’écrivain. Par contre, pour eux, tout est clair dès le départ : ce que la maison leur offre, c’est une aventure humaine qui vaut la peine, avec un travail éditorial approfondi, des contrats clairs, des droits d’auteur effectivement versés, et une relation de proximité avec l’éditrice, fondée sur la confiance et la collaboration.

Idée reçue n° 6 : les maisons indépendantes ne peuvent pas être sélectives.

Beaucoup de chiffres circulent sur les manuscrits : les maisons en publieraient moins d’un sur mille.OLNI en retient, sur la cinquantaine de manuscrits reçus par an, entre quatre et six ont été publiés ou le seront d’ici à 2027 (le calendrier de parution est complet jusque 2027 inclus, et le calendrier de soumissions est fermé jusqu’à nouvel ordre). Toutefois, OLNI fait confiance à son attractivité : elle se refuse à passer des commandes (chose que font couramment les plus grandes maisons). Et la maison reçoit forcément moins de textes envoyés au hasard.

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