“Je sais que tu mens”, la quête éperdue d’un fils

Avec Je sais que tu mens, Erika Navilles signe un deuxième roman au suspense maîtrisé. L’autrice y brosse le portrait attachant d’une femme en lutte avec elle-même, que la recherche effrénée de son fils disparu va replonger dans les méandres douloureux de son histoire personnelle.

Par Odile Lefranc

Le roman s’ouvre à Vancouver, où Claire, assistante maternelle au Lycée français et mère célibataire, voit sa vie basculer lorsqu’elle découvre que son fils Luca s’est volatilisé. Si la police évoque une fugue, elle refuse d’y croire et décide de mener sa propre enquête. Très vite, l’urgence de retrouver Luca entre en conflit avec ses failles, avec tout ce qu’elle a, dans son parcours, tenté de lui dissimuler.

Erika Navilles, qui nous fait voyager entre les différentes périodes de la vie de son héroïne, construit un thriller psychologique qui mêle tension narrative et profondeur émotionnelle. Balayant les blessures anciennes de Claire – défaillance d’une mère souffrant d’une maladie mentale, absence d’un père accaparé par sa carrière de musicien-, l’écrivaine témoigne de la manière dont ces héritages silencieux continuent de façonner la protagoniste bien des années plus tard, dans ses élans comme dans ses fêlures. Claire devient, grâce à cela, un personnage très attachant. C’est d’ailleurs dans les chapitres consacrés à l’enfance de Claire qu’Erika Navilles se déploie avec le plus d’acuité.

Mais Je sais que tu mens est aussi un roman sur la filiation, sur les liens parfois dangereux entre un parent et son enfant, sur la difficulté de se construire lorsque l’on se sait fragile et d’être mère à son tour. L’autrice parvient à bien montrer la difficulté qu’éprouve Claire à s’extraire de l’emprise de Marc, son mari anthropologue, dont l’ombre continue de peser sur elle, même après sa disparition.

On découvre au passage une évocation de la vie des expatriés à Vancouver, du fonctionnement d’un lycée français à l’étranger, ainsi qu’un bel éclairage sur les Premières Nations de l’Ouest canadien. Autant d’éléments qui donnent au roman un ancrage géographique et culturel qui enrichit la trajectoire intime de Claire.

Son premier roman, Perdu dans les bois noirs, récompensé par le Prix du premier roman de la ville de Mennecy, révélait déjà son talent à allier la sensibilité du propos et la vivacité du récit. Elle le confirme brillamment ici, tout en s’affirmant dans le genre du thriller psychologique.

Je sais que tu mens, d’Erika Navilles, 17,90 euros, Alter Real Editions

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