“Les vies rêvées de la baronne d’Oettingen”, l’insoutenable liberté de l’être

Le journaliste et historien nous transporte dans les méandres fiévreux du Montparnasse de la Belle Époque pour brosser le portrait d’une aristocrate fantasque qui a endossé mille arts et mille peaux.

Par Bénédicte Flye Sainte Marie 

On ne l’attendait pas forcément dans ce registre. Présentateur de C Politique sur France 5 et Grand face-à-face sur les ondes de France Inter, grand spécialiste des États-Unis, Thomas Snégaroff repart un siècle en arrière pour aller à la rencontre d’Hélène d’Oettingen, une femme que son grand-père Dimitri Snégaroff, le fondateur de l’imprimerie Union, a fréquentée et beaucoup aimée.

Née en Ukraine en 1885 ou 1887 (les versions divergent), Hélène, qui s’appelait encore à l’époque Elena Miontchinska, a fui le plus tôt qu’elle a pu l’ambiance morose, voire mortifère, qui nimbait sa famille en acceptant la proposition de mariage que lui faisait le baron d’Oettingen. Un conjoint que la très jeune épouse, pas très éprise sinon de son indépendance, s’est empressée de quitter ensuite mais dont elle a pu ensuite conserver le nom.

Tels des sésames, ce titre de noblesse et le romanesque de ses origines lui ont ensuite ouvert les portes du Paris bohème du début du XIXème siècle, sorte de bouillon de culture où les génies côtoyaient les génies.

Une fois le pied posé dans cet univers aussi excitant qu’effervescent, Hélène d’Oettingen ne l’a plus jamais quitté, sinon, comme l’explique Thomas Snégaroff au début de son livre pour “entrer dans le long crépuscule de sa folle vie”. Son salon du 229 Raspail, appartement où elle a emménagé avec son cousin Serge Férat avant la Première guerre mondiale, s’est mué en un carrefour où se croisait une pléiade d’illustres figures, de Guillaume Apollinaire au Douanier Rousseau en passant par Pablo Picasso, Amedeo Modigliani, Max Jacob et Blaise Cendrars. Il a aussi et surtout été le creuset de toutes ses envies et expressions artistiques.

Car cette femme à la beauté frappante et aux tenues toujours théâtrales s’y est cesse inventée et réinventée, assumant le rôle de directrice de revue pour les Soirées de Paris, de mécène, devenant écrivaine, poète et peintre, empruntant dans cette existence protéiforme des identités qui l’étaient également.

Hélène d’Oettingen était ainsi Roch Grey quand elle rimait mais François Angiboult lorsqu’elle se saisissait de ses pinceaux. Elle y a connu enfin de multiples amours, qu’elle a souvent préféré brûler ou saborder plutôt de risquer s’y consumer. Symbole de la flamboyance de son temps, elle l’a emporté avec elle en mourant...

Quant à Thomas Snégaroff, il prouve avec ce brillant ouvrage à la fois très documenté, érudit et agréable à lire, qu’il sait aussi bien coucher les mots sur le papier qu’œuvrer à l’image. 


Les vies rêvées de la baronne d'Oettingen de Thomas Snégaroff, 9 euros, Collection Folio, Editions Gallimard  

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