“Les yeux de Mona”, une cure de merveilleux
Pour son deuxième roman, Thomas Schlesser, auteur et historien de l’art, a frappé fort et juste. Dans cet ouvrage, il fait le pari, relevé haut la main, de présenter dans son récit cinquante-deux œuvres d’art, piochées comme dans un jeu de cartes, de manière ludique, intelligente et sensible.
Par Anne-Sophie Campagne
Dans Les yeux de Mona, Thomas Schlesser nous immerge dans le quotidien de Mona, une enfant marquée par la séparation et la maladie. À dix ans, la petite fille souffre en effet d’une pathologie oculaire qui risque de la priver de la vue. Parce qu'il estime que Mona doit profiter à plein, tant qu’il est encore temps, des ravissements que peut offrir la peinture, son Dadé (le surnom qu’elle donne à son grand-père adoré), décide de l’emmener toutes les semaines visiter un musée. Chaque mercredi, le rituel est immuable : les deux partent à l’aventure, au gré des couloirs du Louvre, d’Orsay et de Beaubourg.
Grâce à ce rendez-vous qui désormais les unit et les relie, le champ des possibles s’ouvre, les découvertes s’accélèrent et les esprits s’illuminent… À travers le regard perçant et innocent de Mona, le narrateur nous plonge dans l’univers des œuvres d’art, du XVe siècle aux années 2 000. Leurs pérégrinations sont comme une expédition secrète qui les emmène, à chaque fois, sur le chemin de la connaissance artistique, voire spirituelle.
Car chaque chapitre donne lieu à un échange riche et constructif entre les deux protagonistes, source de multiples connaissances (picturales, historiques, philosophiques…), appuyé par l’illustration du tableau concerné. Il ne nous reste plus qu’à naviguer dans ce livre, en cheminant sans cesse du récit à l’iconographie et inversement. Pris dans ce tourbillon de mots et de couleurs, on en ressort ivre d’émotions, heureux et érudit.
Sans jeu de mots facile, on peut qualifier Les yeux de Mona de véritable pièce d’art, d’objet précieux rempli d’intelligence et d’humanité, d’outil de référence affectueux et généreux. C’est une lecture indispensable pour les amoureux de l’art mais elle reste accessible aux néophytes sensibles et ouverts d’esprit.
Et l’histoire de cette jeune héroïne nous touche. Elle nous ouvre d’abord les portes de la beauté, de la réflexion et de l’imaginaire. Mona nous pousse également sortir de nous-même, à prendre conscience de tout ce qui nous entoure. Elle nous invite aussi à savourer notre existence, à éveiller notre curiosité et à contempler le monde. Du haut de ses onze ans à la fin du roman, elle nous apprend enfin à (re)vivre les yeux grands ouverts.
Captivé, bouleversé et passionné, le lecteur, qui a tout sauf l’impression de s’infliger un “pavé”, dévore d’une traite les cinq-cents quatre-vingt-cinq pages imprimées, qui filent comme si les Yeux de Mona n’en avait compté que deux cents...
Les yeux de Mona de Thomas Schlesser, 22,90€, éditions Albin Michel