“Mademoiselle Spencer”, le versant intime de Lady Di
Estampillée par le sceau de la solitude, la trajectoire météoritique de la Princesse de Galles est au centre d’un roman au sein duquel l’écrivaine Christine Orban s’immerge dans sa psyché et la fait s’exprimer à la première personne.
Par Bénédicte Flye Sainte Marie
Sur Lady Di, on pensait avoir tout dit, tout entendu, tout ressassé. L’Anglaise la plus célèbre de la planète et peut-être aussi la plus malheureuse, a inspiré une multitude d’ouvrages, de documentaires et de fictions. Même l’ancien président Valéry Giscard D’Estaing a fait la tentative hasardeuse de lui consacrer un livre.... Mais personne n’avait songé à sonder vraiment sa tête et son cœur.
C’est ce que fait Christine Orban dans Mademoiselle Spencer. On y débarque dans le quotidien de la toute jeune Diana, issue de la fine fleur de la noblesse, à six ans, au moment où elle fait face à son drame originel, la séparation de ses parents, Frances Roche et Edward Spencer qui a non seulement fait voler en éclats sa famille mais agité la presse pendant des mois.
Malgré sa prestigieuse ascendance, sa mère a en effet choisi d’envoyer valser les convenances et de partir avec un autre homme, Peter Shand-Kydd, dans un milieu où le divorce était très mal perçu. La frivolité maternelle, mais aussi la violence et l’alcoolisme d’Edward, furent mis en avant à ce moment-là.
Diana n’eut alors aucun refuge. Lorsqu’elle exprimait ses envies de suicide, son inflexible grannie, Lady Fermoy, obsédée par l’étiquette aristocratique et sourde à ses douleurs, lui répondait qu’on “l’oublierait parce que tout s’oublie et que la vie continue”...
Diana, construite sur l’argile fragile des gens mal aimés, a pourtant embrassé le rêve de toutes les jeunes demoiselles britanniques de l’époque, à savoir d’être remarquée, à seize ans par le prince Charles puis de lui passer la bague au doigt à vingt.
Mais ce qui avait l’air d’être un conte de fées moderne était en fait un cauchemar : très rapidement, avant même que l’union soit célébrée, Diana a compris qu’entre elle et son prince peu charmant, dont elle était pourtant sincèrement éprise, il y avait une autre femme, Camilla. Marié ou pas, Charles n’avait aucune intention de renoncer à sa liaison avec elle.
Et Diana, perdue dans d’immenses palais dont le côté glacial n’avait d’égal que la froideur de marbre de la reine et du roi, ne pouvait attendre de réconfort de personne. Ce qui la fit sombrer encore plus profondément dans les troubles alimentaires et la mélancolie qui l’étreignaient....
Écrite à l’encre du désespoir par Christine Orban, écrivaine habile à s’emparer des déchirements intérieurs de cette personnalité à la fois archicélèbre et peu connue, cette histoire restitue tout le paradoxe de sa destinée: méprisée et ignorée au sein de son clan qui l’enfermait, abandonnée par son époux qui n’a jamais fait semblant de l’aimer, le vilain petit canard de la portée est devenue plus que la princesse des cœurs, une icône, que le monde entier pleure encore, près de trois décennies après son décès.
Mademoiselle Spencer, de Christine Orban, 19, 90 euros, Éditions Albin Michel