“Tant mieux”, l’étoile de la mère
Chaque rentrée littéraire nous réserve un nouvel opus écrit par Amélie Nothomb ! Dans Tant mieux, cette conteuse hors-pair prend le temps d’évoquer sa maman, aujourd’hui décédée, dans un récit troublant et attachant.
Par Anne-Sophie Campagne
Après le père, la sœur, enfin la mère ! Amélie Nothomb a tout fait pour différer ce rendez-vous avec elle et c’est Tant mieux ! Car cet exercice si redouté est également le plus sincère et le plus effroyable car il porte les stigmates d’une relation fusionnelle et destructrice, froide et passionnelle.
Dans ce récit, l’écrivain part à la découverte de l’enfance puis l’adolescence de cette maman « si déroutante », source d’un « amour absolu et déconcerté », qu’elle ne peut ni nommer ni évoquer à la première personne. Elle privilégie la narration impersonnelle avec, comme dans un conte, ses bons et ses méchants personnages, parcourant les années au fil de l’évolution d’une petite fille dès ses quatre ans jusqu’à la date de son mariage le 13 juin 1960. Le fil conducteur de cette histoire est cette fidèle expression, « tant mieux ! », reprise et adoptée par son héroïne, tout au long de son existence, dans le seul et unique but d’affronter avec courage et insouciance les nombreuses épreuves de la vie.
Amélie Nothomb, comme à son habitude, nous embarque dans ce récit hors du temps, avec l’enthousiasme et l’engagement qui la caractérisent. Elle ne lâche à aucun moment le lecteur qui passe de l’amusement à l’effarement, de l’attachement au rejet. Les personnages ressemblent à ceux d’Amélie Nothomb, caricaturaux et extrêmes : soit beau, soit laid, soit brillant, soit idiot, soit faible, soit machiavélique. On n’a pas d’autre choix que de choisir son camp et de prendre le parti affectif de l’une ou de l’autre. Car, une fois encore, les protagonistes féminins ont les meilleurs rôles : la mère évidemment, mais aussi les deux grands-mères forcément opposées, et les deux sœurs solidairement rejetées.
Infatigable et irremplaçable, Amélie Nothomb nous offre un objet vivant et touchant qui nous fait réfléchir sur le sens la vie, les choix fatidiques assumés, les traumatismes subis répétés, les lâchetés violentes avouées jusqu’aux confessions de la fin de vie.
Ce livre est un conte, une fable, une épopée dans lequel on plonge, sans prendre le temps de respirer. L’écriture sobre et intelligente, le style riche et imagé de l’autrice transforment en jouissance cette lecture qui n’est pourtant ni plaisante ni émouvante.
Avec sincérité et réalisme, la plus française des romancières belges nous confie sa réticence à parler de sa mère, sa difficulté à la comprendre et sa souffrance de l’aimer. Car il s’agit avant tout d’une déclaration, d’une œuvre littéraire destinée à clamer haut et fort l’admiration et l’adoration d’une fille envers celle qui lui a donné le jour...
Tant mieux d’Amélie Nothomb, 19,90€, Éditions Albin Michel