Zoé Brisby “J’ai eu envie de m’intéresser à la femme derrière la légende”
Après Les mauvaises épouses et La double vie de Dina Miller, la romancière prend à nouveau les États-Unis pour décor afin de marcher dans les pas de Peg Entwistle, jeune actrice de talent des années 30, alias la célèbre Hollywood sign girl, qu’on n’a souvent considérée qu’à travers le prisme de sa fin tragique.
Propos recueillis par Bénédicte Flye Sainte Marie
Comment avez croisé la route de Peg Entwistle et à quel moment vous-êtes-vous dit qu’il fallait que vous vous empariez de son histoire ?
Durant mes études, j’avais entendu parler de l’histoire de la Hollywood Sign Girl, cette actrice qui a sauté depuis la lettre H du fameux panneau Hollywood. Je trouvais triste qu’on ne la connaisse qu’à travers son décès spectaculaire. Alors, j’ai eu envie de m’intéresser à la femme derrière la légende.
Quelles libertés vous êtes-vous autorisée avec la vraie vie de Peg? Est-ce qu’il a été nécessaire que vous remplissiez certains vides ou ellipses de sa biographie ?
La mort de Peg a été très documentée ; elle a fait la une des journaux de l’époque. En revanche, sa vie l’est beaucoup moins. Il a été compliqué de retracer sa carrière et de retrouver les éléments de sa vie personnelle. J’ai dû fouiller dans les archives de Hollywood, pour la partie cinéma et de Boston, concernant la partie théâtre. Comme dans tous mes romans, les faits historiques évoqués sont authentiques. Je m’autorise, cependant, une liberté romanesque notamment pour les personnages secondaires. Ils sont un condensé de la vie et des mentalités de l’époque.
La trajectoire de Peg résume-elle à elle seule la puissance de destruction d’Hollywood ?
L’exemple de Peg est, malheureusement, assez caractéristique des trajectoires des Starlettes des années 1930. Cet âge d’or est à la fois le début de l’expansion des studios de cinéma, mais aussi celui de la Grande Dépression. La pauvreté extrême côtoie les rêves de grandeur. Il ne faut pas oublier que Peg a également été victime de la censure imposée par le Code Hays.
Outre ce côté “usine à briser”, qu’est-ce qui, dans son parcours, résonne pour vous de manière très actuelle ? Peut-être sur la question des rapports de domination entre hommes et femmes ?
En effet, nous sommes aux racines du # MeToo. À cette époque (et peut-être encore aujourd’hui), le monde du cinéma est un milieu masculin voire machiste. Les Starlettes sont nombreuses. Celles qui ne s’adaptent pas aux diktats des producteurs seront facilement remplacées. C’est un système pervers qui fonctionne selon la loi de l’offre et la demande...
Votre inspiration d’écrivaine fonctionne-t-elle par “cycles” ? Est-ce un hasard si vos trois derniers romans se déroulent aux Etats-Unis ?
Non, Hollywoodland s’inscrit dans un triptyque qui interroge sur cet âge d’or américain qui s’étale des années 1930 aux années 1960. Avec Les mauvaises épouses, nous découvrions les dessous de la bombe atomique à travers la vie des femmes de scientifiques qui vivaient à quelques kilomètres des essais atomiques à Las Vegas dans les années 1950. Puis à travers La double vie de Dina Miller, nous plongions dans l’opération Paperclip et la traque des nazis infiltrés à la NASA dans les années 1960.
« “C’est en comprenant le passé que nous éclairons le présent ” »
Avez-vous la sensation que votre plume s’autorise à être plus acide, plus critique sur la société (d’hier ou d’aujourd’hui) qu’elle ne l’était dans vos premiers ouvrages ?
Mes romans précédents étaient des comédies de société qui interrogeaient sur des thèmes actuels tels que l’euthanasie, la PMA, les institutions psychiatriques, la résilience… Le ton était plus léger afin de faire passer des messages en douceur. Mes romans historiques sont plus intenses et plus sombres. Ils permettent d’aborder la grande histoire à travers la petite et d’avoir du recul. C’est en comprenant le passé que nous éclairons le présent.
Considérez-vous que les personnalités / personnes au destin tragique ont plus de puissance romanesque que les gens heureux ?
Oui, les gens heureux n’ont pas d’histoire… C’est l’adversité qui rend un personnage intéressant, ses failles, ses faiblesses et la manière dont il lutte pour s’en sortir.
À quelles autres célébrités stimulant votre imaginaire pourriez-vous consacrer un livre ?
Il faudra attendre un prochain roman pour le savoir !
À LMQPL, on aime tous les livres, notamment en format poche. Lequel nous recommanderiez-vous ?
Je conseille Le manuscrit trouvé à Saragosse de Jan Potocki, un ovni picaresque.
Hollywoodland, de Zoé Brisby, 20, 90 euros, Éditions Albin Michel